Pitié pour eux: cette année, pas de cravate ! Pas de briquet, ni de rasoirs. Cette année, pour la fête des pères, offrons-leur de la fierté. Ils le méritent.

Cet article devrait être interdit aux dames car elles ne peuvent pas comprendre. On sait bien qu’elles ont de l’instinct et qu’elles ne se trompent que quand elles réfléchissent, mais ce qui se passe entre un père et un fils est quelque chose de trop compliqué, de trop intime. Avec une mère, la situation est simple : toujours là, arrondissant les angles, limitant les dégâts, tout amour. Un père, c’est différent. Au début, il s’agit d’une ombre un peu méfiante. Cela se tient éloigné des couches-culottes, s’ébouillante avec le biberon, refuse de se lever la nuit, n’approche pas des baignoires en plastique et ignore l’adresse du pédiatre. Il faut attendre quelques années pour que les rapports commencent vraiment. Et là, ça ne s’arrête plus.

Un père, c’est quatre-vingt kilos d’amour silencieux.

Les formules affectueuses sont le domaine réservé des mamans. « Papa »: toute la vie, ces deux syllabes garderont un parfum de mystère et de crainte. Les papas mettent des pyjamas et sentent l’after-shave. Ils s’enferment dans leurs bureaux et boivent trop de café. Ils ont le droit de dire des gros mots et de regarder la télé quand tout le monde est couché. Le chien leur obéit et ils savent réparer les vélos. Ils viennent nous embrasser dans le noir, nous ramènent des bonbons en cachette et parfois, pour la bonne règle, nous gratifient d’une calotte pas trop méchante derrière la tête. Ce sont des chevaliers, des héros, des tyrans et des magiciens.

Plus tard, ils nous ont appris des choses assez indispensables : comment ouvrir les huîtres ou tirer la ficelle des hors-bord, la différence entre bourgogne et bordeaux, la nuance entre Lénine et Lennon, Staline et Stallone ou la distinction entre cobaye et cow-boy. Il nous ont montré le crawl, comment gagner au flipper, comment ne pas avaler la fumée d’un cigare et nous ont donné nos premières leçons de conduite, coincés entre leurs genoux. Ils nous ont hissé sur leurs épaules, chatouillé à nous en faire pleurer et se sont bagarrés avec nous sur le tapis. Ils nous ont emmené voir les films de John Wayne et on les a accompagné au match du samedi après-midi. On les craint, on les admire, on les envie, on les imite.

Puis vient l’âge où « papa » se transforme en « mon père ».

Voici venu le temps des accrochages. A l’adolescence, il y a une longue période ingrate, stérile et nécessaire où le père se transforme en un rude adversaire, un mur sur lequel on bute. Nous ne voulons plus nous rappeler les nuits blanches qu’ils ont passé à cause de nous, les mensonges qu’ils ont fait semblant de ne pas soupçonner, les pulls qu’on leur volait, les câlins qu’on leur extorquait. Ils nous font de l’ombre. Il faut du temps pour découvrir que cette ombre est bénéfique, qu’elle empêche de pousser n’importe comment ou de sécher sur pied. Vient un jour où l’on découvre qu’ils ne sont pas immortels et qu’ils nous manqueront terriblement. Il n’y a plus de temps à perdre. Nous voilà soudain d’accord sur tout : les cravates, la pop music, le dalaï-lama et cette actrice « que ta mère ne supporte pas ! » Cette inversion des valeurs donne une complicité teintée de tendresse et de respect.

Il y a toujours un moment dans la vie où l’on devient son propre père. Nous voilà à leur place. Nous les trouvions souvent injustes : ils étaient maladroits ou ils avaient raison tout simplement. Comme eux, nous nous mettons à aimer Alain Barrière, Gérard Philippe ou Buster Keaton. Nous sortons moins et nous choisissons nos amis. A notre tour, nous sommes surpris, déçus, irrités et émus par nos enfants.

Montherlant disait : « il faut faire des choses folles, mais les faire avec un maximum de prudence ». Avoir des enfants et les élever fait partie de ces choses-là. Les pères sont des guides, des remparts, des tremplins. Tout ce qui nous arrive, ils l’ont connu avant nous. Grâce à eux, nous avons évité certains itinéraires, ignoré certaines peurs, dédaigné certaines tentations. D’eux, nous sommes un écho.

Normalement, la fête des pères devrait durer 364 jours, l’autre étant réservé à la fête des mères. Chaque année, un dimanche de juin, nous avons soudain de nouveau huit ans.

Demain, nous ne leur ferons pas regretter d’être nés.

Allez, bonne fête mon vieux !

(avec l’aimable participation de P. Besson)

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