Sans relâche, quelque part sur une planète à gauche du soleil, les Shadocks pompent et repompent, tandis que de leurs petits nuages, les Bisounours s’envoient des arcs en ciel à longueur de journée. Il y a des coins comme ça où tout va bien.

Vu que Disneyland est rempli de mioches qui vous pourrissent la vie, il ne vous reste plus comme seule ambition que d’aller pêcher des éponges dans les Caraïbes. Cela me rappelle ces pubs extras où des chercheurs en blouse blanche cherchent dans des décors tropicaux des shampoings du futur au milieu de naïades à demi-nues. Avec quelques éléphants en guise de pomme de douche. En ce qui concerne les naïades et les chercheurs je ne sais pas, mais en ce qui concerne les éléphants, je crois savoir que si ces aimables proboscidiens sont les seuls animaux qui ne peuvent pas sauter, ils ont aussi la réputation de posséder la faculté extraordinaire de ne rien oublier. Particularité qu’ils partagent avec un autre groupe animal, l’espèce féminine.

Les femmes s’inspirent beaucoup des éléphants. Elles ont la peau dure, de la défense, des yeux perçants et des oreilles acérées. Elles craignent les miroirs, nous trompent quelquefois et sont souvent un peu lourdes! Mais surtout, elles possèdent comme ces pachydermes une mémoire prodigieuse, quasi biblique. En fait, elles n’oublient rien……..de ce qui est à leur avantage. Elles se rappellent ce que vous n’avez pas fait et que vous auriez dû faire et inversement ce que vous avez fait et que vous n’auriez surtout pas dû faire. Leurs facultés mnémoniques dépassent de loin le meilleur des ordinateurs. En effet, conscient de ses limites, ce dernier vous demandent constamment si vous voulez effacer des données, nettoyer son disque dur ou vider sa mémoire de fichiers obsolètes. Chez ces dames, rien d’obsolète, de périmé ou d’inutile. Comme les pachydermes, nos épouses n’effacent jamais rien. Elles consignent soigneusement dans un coin de leur mémoire toutes les erreurs commises – par nous – qui parsèment une vie de couple. Anniversaires oubliés, réflexions déplacées, gestes malencontreux, copines regardées de trop près, moqueries inopportunes, cadeaux omis: tout est bon et soigneusement rangé dans un dossier contentieux qui s’épaissit au fil des années et qui, soyez-en sûrs, ressortira au moment opportun. Et si ce moment n’arrive pas, elles le provoqueront scrupuleusement. Elles ne sont pas pressées, elles prennent leurs mâles en patience!

De façon diabolique, elles arrivent à se souvenir de détails insignifiants, de faits négligeables qui nous sortent de la tête immédiatement et qui ne tirent pas à conséquence. Du moins le croyez vous jusqu’au au retour d’une soirée sympathique dans laquelle vous avez gagné l’épreuve des trente cocktails départ arrêté. Vous essayez péniblement de vous concentrer sur la conduite de votre voiture qui semble vouloir absolument rouler sur les bas-côtés quand arrive le fameux moment opportun.
Avec un regard à faire des trous dans du kevlar, votre aimée vous balance d’un ton acide:
_« Qu’est-ce qu’elle avait cette grognasse que tu as reluqué toute la soirée? »
Sans relever la syntaxe déplorable, vous tombez des nues. Bien sûr, la grognasse en question avait effectivement un charme torride, mais vous pigez immédiatement que ce n’est peut-être pas le moment idéal pour le faire remarquer. Afin de gagner du temps, vous biaisez hypocritement en évitant l’abribus.
_« De qui parles-tu? »

Le regard s’alourdit.
_« Ne me prends pas pour une idiote! Je parle de Natacha avec sa poitrine qui tombe et sa robe boudinée. »
_« Tatiana, pas Natacha! Et elle n’a pas la poitrine qui tombe! »
_« Peu importe son prénom! Comme toutes les russes, elle a une forte poitrine, un arrière-train de babouchka, elle boit comme un trou et elle jure comme un cosaque. Elle a autant de sex-appeal qu’un minitel et elle doit avoir le QI d’une huître et la sensibilité d’un poisson-rouge! Je me demande d’ailleurs ce que tu aimes le plus de la poitrine ou du QI? »

En terme de mauvaise foi, il faut bien reconnaître que la mère de vos enfants enfonce largement l’ensemble de la classe politique pourtant experte sur le sujet. Après avoir recollé vos idées un peu dispersées par votre taux d’alcoolémie frôlant le coma, vous décidez de contre-attaquer tout en faisant demi-tour sur la bretelle d’autoroute.
_« D’abord, elle ne vient pas de Russie, mais de Belgique. Tu sais, c’est ce pays de fous qui change de gouvernement plus souvent que Paris Hilton de sac à main. Et je n’aime pas ce terme de reluquer. Je contemple la beauté, c’est tout. De plus, je n’ai pas reluqué celle-là plus que les autres! »
Ce qui, à tout prendre, est une demi-vérité. Que madame s’empresse aussitôt de prendre pour un demi-mensonge:
_« Donc, j’ai raison. Tu sais parfaitement de qui je parle et en plus, tu avoue en avoir reluqué d’autres! Tu ne t’arranges pas en vieillissant! Et cerise sur le gâteux, tu as trop bu ».
Elle est bonne celle-là! Bien qu’elle ait raison sur tous les points, tout cela ne va pas casser trois tentacules à un poulpe et vous pourriez devriez vous cantonner à un silence prudent. Mais comme au pays des muets les aveugles sont sourds, l’esprit embrumé, vous aggravez votre cas après avoir brûlé votre troisième feu rouge.
_« Tu as vu ça sur Fessebouc ou sur Vosgueules? Tu crois que se prénommer Roseline est mieux que Tatiana? Et quant au sex-appeal, tu as du perdre les piles!«

Bon! Là, vous venez de poser la tête sur le billot. Le fait que vous soyez plié de rire en train de zigzaguer en sens interdit ne va pas certainement pas arranger vos affaires. Bien sûr, il y a longtemps que vous savez que votre douce a toujours raison (particulièrement dans les cas où vous avez tort), longtemps que vous avez compris qu’argumenter ne sert qu’à envenimer les choses, longtemps que vos protestations ne sont à ses oreilles que des aveux de culpabilité.
_« L’alcool et les belges ne te valent décidément rien. Tu devrais peut-être essayer la marche arrière pour que l’on ait une chance raisonnable d’arriver vivants à la maison. »
_« Dis que je conduis mal en plus! »
_« En ce moment, tu ne conduis pas, tu survis! A mon grand étonnement d’ailleurs. »

Il faut reconnaître à votre épouse une maîtrise peu commune dans les moments délicats. Mais la mi-temps est passée et du haut de sa fierté malmenée, comme vaccinée avec une aiguille de phonographe, la dame de vos pensées ouvre son dossier pendant que vous cherchez cette satanée marche arrière.
_« Déjà en Mars 82 (mais c’était il y a un siècle), je me souviens de cette soirée où tu m’avais dit que ma robe n’était pas terrible (en vérité, elle était affreuse) et où tu avais effrontément dragué une blondasse nommée Ninon -Mon Dieu! Comment peut-on s’appeler Ninon?- de dix ans de moins que moi (quinze exactement, mais bon….). Elle portait une robe rouge couleur pompier (prémonitoire?) si courte qu’à chaque pas on aurait dit qu’elle allait perdre sa culotte ( ce qui n’est hélas pas arrivé). Avec son chemisier ouvert jusqu’au nombril (Oooooh) et son cul monté sur roulements à billes (Aaaaah!), elle aurait pu être laide à faire rater une couvée de singes que toi tu serais quand même bouche bée comme un idiot devant elle. »

Comme vous venez de rater de justesse un flic sur son rond point, vous ne répondez rien.
Elle se remet à respirer et se rappelant que le muscle le plus puissant du corps humain est la langue, elle réenclenche le magnéto.
_« Pas passé loin ce coup-ci! Je te signale quand même que cela fait la troisième fois que nous passons sur ce rond point et qu’à la prochaine, si toi tu l’as raté, le flic lui, ne nous ratera pas. »
_« Je vais prendre à gauche au prochain carrefour, non? »
_« Oui. Comme cela, on pourra prendre le petit déjeuner à Tanger! »
_« J’admire ton calme. »
_« Moi, j’admire ta chance! Pour en revenir au sujet qui nous occupe, ce soir-là, ce con de Jean-Jacques essayait de me peloter et ça t’avait fait rire (c’est vrai qu’il est con Jean-Jacques). Pour couronner le tout, il pleuvait (pas de ma faute!) et en sortant, tu n’as rien trouvé de mieux qu’éclabousser ma robe toute neuve » (pas une perte!). Elle était belge la Ninon? »

Et la litanie continue, passant en revue le seul anniversaire de mariage oublié en 30 ans, la façon de parler à sa mère, le voyage à Venise promis et jamais fait, les vacances entre potes et toute la panoplie des reproches que la vindicte conjugale peut accumuler. Mais où va-t-elle chercher tout ça? Est-ce que vous êtes censé vous rappeler s’il pleuvait en Mars 82 et si la Ninon en question avait une robe rouge? Si encore elle l’avait enlevée, vous vous souviendriez de la couleur! Quelle importance cela peut-il avoir 30 ans après? C’est comme pour les photos. Plus la photo est vieille, plus on a l’air jeune, mais au fond cela ne change rien. Il est vrai qu’avec le temps, l’âge de l’homme devient un hommage, mais l’âge de la femme ne devient pas un « femmage ». Sans doute il y a t-il une raison…..

Un institut de sondage devrait dépêcher un envoyé spécial (mais y a t-il des envoyés normaux?) faire des statistiques sur le nombre de maris subissant ce genre de traitement. Je vous le dis sous le sceau du secret, ne le répétez surtout pas: tous!

Mais on le sait, les statistiques sont comme les bikinis. ça donne des idées, mais ça cache l’essentiel. Alors, bien sûr vous pouvez dire à votre moitié: »souviens-toi de m’oublier » ou « dis moi chérie, tu n’as pas prévu d’aller voir ta mère cet hiver?« , mais cela marche rarement. Dans l’absolu, ce genre d’incident se résout en dernier ressort dans le lit conjugal (nul le jeu de mot!) appelé vulgairement pieu. Le pieu, qui comme le pal est un truc qui commence si bien et qui finit si mal, est l’arène où l’on sacrifie ses rêves sur l’oreiller de la raison. Et comme l’impossible est toujours ce que l’on ne tente pas, quand cela vous arrivera, tentez le coup. Si ça marche, soyez sympas: faites-le savoir aux hommes ayant la mémoire courte. Et aux éléphants!

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